Le groupe Altice, propriétaire de l’opérateur téléphonique SFR, va connaître ce 1er octobre une étape majeure de son histoire, particulièrement chaotique ces derniers mois. Que va-t-il se passer concrètement ce mercredi ? Pourquoi le groupe dirigé par Patrick Drahi en est-il arrivé là ? Et, à terme, quel impact pour les clients de SFR ? On fait le point, en six questions.
1. Pourquoi Altice France est-elle tant en difficulté ?
Parce que le groupe est très endetté. Sa dette s’élève à 24,1 milliards d’euros. C’est près de deux fois et demie son chiffre d’affaires, qui s’est élevé à 10,1 milliards d’euros en 2024 (pour une perte nette de 1,1 milliard d’euros, due notamment au paiement… des intérêts de la dette).
Cette dette provient majoritairement de la politique de rachat de Patrick Drahi, le patron d’Altice. C’est d’ailleurs en endettant son entreprise que le patron de Numericable avait racheté SFR à Vivendi en 2014, alors que ce dernier avait peu investi dans l’opérateur, nuisant à sa capacité à dégager seul de grands profits. C’est aussi en endettant Altice qu’il a racheté des opérateurs téléphoniques comme Virgin Mobile, des opérateurs du câble (le métier de Numericable) ou des médias (Libération ou BFMTV notamment).
Après avoir culminé à 54 milliards d’euros début 2017, la dette d’Altice a tout de même été ramenée à 32 milliards en 2019, grâce à des cessions d’actifs, puis aux 24 milliards toujours enregistrés en cette année 2025.
2. Que doit-il se passer ce 1er octobre ?
C’est ce mercredi qu’Altice doit concrètement mettre en place les mesures d’un plan de sauvegarde accélérée entériné par la justice dans le courant de l’été. Ce plan contient notamment un plan de restructuration de sa dette, pour la faire passer de 24,1 milliards à 15,5 milliards d’euros.
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« On va sortir de 18 mois de négociations et d’implémentation de cette nouvelle dette […], nous allons réduire nos frais financiers annuels de 400 millions d’euros. Et nous avons repoussé nos échéances de dette qui sont désormais étalées entre 2028 et 2033. En contrepartie, les créanciers auront 45 % du capital d’Altice France », résumait fin septembre à l’Agence France Presse (AFP), Arthur Dreyfuss, PDG d’Altice France. L’accord prévoit également que les créanciers reçoivent un total de 1,6 milliard d’euros.
Contrairement à ce que demandaient les syndicats, qui avaient porté l’action en justice ces dernières semaines, le périmètre de ce plan inclut bien SFR, entreprise qu’ils estiment étrangère à la politique financière de sa maison mère. Malgré la mise en œuvre du plan de restructuration au 1er octobre, une audience en appel sur ce sujet est prévue le 4 novembre.
3. Quel impact potentiel pour SFR ?
Les syndicats de la marque de téléphonie, comme nombre d’acteurs du milieu, estiment que ce plan de restructuration de la dette d’Altice est une première étape vers la vente de SFR. « Le scénario qui nous attend, c’est le démantèlement de SFR », estimait ainsi Olivier Lelong, délégué syndical CFDT de SFR.
De son côté, Altice France a toutefois cherché à temporiser. « Aucune offre (de rachat), pas même indicative, n’a été reçue à date », avait indiqué Arthur Dreyfuss au début du mois d’août. Mais, dans une note interne diffusée courant août et relayée par Les Échos , Arthur Dreyfuss et Mathieu Cocq, le PDG de SFR, indiquaient : « Si nous devions en recevoir une, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne, notre responsabilité (et celle de nos actionnaires) sera de l’étudier dans le cadre de gouvernance prévu, comme dans toutes les entreprises ».
4. Qui pourrait racheter SFR ?
Les trois autres opérateurs français (Orange, Free et Bouygues) sont intéressés. « Il y a évidemment des discussions préliminaires entre les opérateurs », avait ainsi affirmé cet été le directeur financier d’Orange, Laurent Martinez, à l’occasion de la présentation des résultats semestriels du groupe. « La voie pour revenir à trois opérateurs semble tracée. Leur intérêt, c’est de faire disparaître un concurrent pour remonter les prix », avait de son côté indiqué début août Olivier Lelong.
Selon les spécialistes du secteur, SFR, trop gros pour être racheté par Bouygues ou Free et ne pouvant l’être par Orange pour cause de respect de la concurrence, pourrait être vendu à la découpe, les opérateurs se partageant ses actifs qui ont de la valeur. Le Monde suggère toutefois que les négociations entre les trois autres opérateurs français seraient plutôt difficiles.
Les Échos ajoutent que certains opérateurs étrangers ou fonds d’investissement pourraient se montrer intéressés à l’idée d’acquérir une partie des actifs de SFR. Des candidatures qui pourraient toutefois être retoquées par le ministère de l’Economie français, susceptible d’invoquer le caractère stratégique des opérateurs télécoms pour empêcher une vente à des acteurs non-européens.
5. Quel impact pour les salariés de SFR ?
En ce qui concerne les salariés, « si on passe de quatre à trois opérateurs sans que le marché croisse, il y aura forcément de la casse sociale dans l’ensemble du secteur », explique Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC chez Orange.
« Le risque, c’est que 60 % à 70 % des emplois de SFR disparaissent », estimait cet été Olivier Lelong, délégué syndical CFDT de SFR. Des postes pourraient également être supprimés chez les autres opérateurs, après leur réorganisation post-rachat de SFR.
6. Et pour les clients de SFR ?
Si une vente de SFR était actée, les acheteurs se partageraient le portefeuille d’abonnés de l’opérateur, qui fait partie de ses actifs. Les clients de SFR pourraient-ils s’opposer à un transfert chez un autre opérateur ? « Dans l’absolu, si vous êtes engagé, non », prévient Sébastien Crozier d’Orange. « Dans le cas d’une acquisition, tout client ayant un contrat avec un opérateur A, lui-même racheté par l’opérateur B, se retrouve automatiquement client de l’opérateur B », confirmaient Les Échos en 2016, à propos d’un éventuel mariage entre Orange et Bouygues, qui n’a finalement pas eu lieu. En revanche, si les termes du contrat passé changent, le client peut refuser un transfert ou changer d’opérateur.
À plus long terme, un éventuel rachat de SFR par les opérateurs français aurait également un effet sur l’ensemble du marché mobile. « Les promotions (sur les forfaits) vont se réduire car la volonté d’arracher des abonnés aux autres va être moins forte », prédit Sébastien Crozier. Les bonnes affaires pour le consommateur pourraient donc s’avérer plus rares à l’avenir.
[SRC] https://www.ouest-france.fr/high-tech/sfr/impact-sur-les-clients-dette-restructuration-six-questions-sur-lavenir-de-sfr-et-daltice-74622dc2-9d3b-11f0-ba76-fc23b95d5062