En Moldavie, les électeurs ont fini par trancher au terme d'une campagne électorale houleuse. La Présidente moldave n'a-t-elle pas appelé à "repousser les traîtres et les voleurs ". Ce sont finalement les pro-européens qui remportent des législatives cruciales, sous la loupe inquiète de l'Union Européenne. Maria Gert Nikilescu a suivi la soirée electorale à Chisinau.
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Les yeux rivés sur le grand écran, les sympathisants pro européens du PAS, le parti action et solidarité ont scruté jusque tard dans la nuit le grand écran où s’affiche le comptage en temps réel depuis le QG de campagne. Mais après le dépouillement de la quasi totalité des bulletins, le parti de Maia Sandu a bien remporté a majorité absolue avec plus de 51 de sièges sur les 101 que compte le parlement moldave.
Pour le porte parole du gouvernement moldave Daniel Voda, ce score marque la défaite de l’ingérence russe : " Malgré les campagnes de désinformation, malgré l’argent sale investi dans les campagnes de financement illicite du vote, malgré les partis pro-russes et leur promotion de l’agenda du Kremlin, les citoyens moldaves ont choisi la paix le développement la liberté et ont défendu leur démocratie dans ce scrutin. "
Cette victoire du camp pro-européen confirme l’orientation occidentale de la Moldavie, entamée en 2020 avec l’élection de la Présidente Maia Sandu réélue l’an dernier. De son côté le leader du bloc des patriotes, qui arrive loin derrière le PAS avec près de 25% des voix a annoncé une manifestation pacifique devant le parlement à la mi-journée. Igor Dodon a pointé vers de possibles fraudes électorales en faveur de Maia Sandu, alors même que les actions de destabilisation russe se sont poursuivies tout au long de la journée électorale.
À écouter En Moldavie, rapprocher les citoyens des valeurs européennes Le Reportage de la rédaction Écouter plus tard Lecture 4 min
Une petite idée, très effleurée des diverses sensibilités politiques qui animent les moldaves grâce à ces fragments de témoignages enregistrés à Chisinau juste après le scrutin: Une électrice " J'ai voté dans l'espoir que nous vivions dans un pays européen où mes filles pourraient avoir un avenir radieux et magnifique, où elles pourraient grandir libre, sans crainte et en paix. Nous sommes à la croisée des chemins. Notre espoir et notre attente est que nous restions sur la voie européenne. L'alternative est impensable." Un électeur " Nous ne devrions pas dire que la Russie est mauvaise. J'y suis allée. Je connais très bien la Russie mieux que la géographie de mon pays"
" Si l'ingérence de la Russie a un impact significatif sur nos élections, alors la Moldavie pourrait tout perdre. Tout ce qu'elle a gagné. "Maia Sandu
Redouté par-dessus tout, par les pro-européens : un retour dans le giron de Moscou qui empêche le pays d’adhérer à l’Union européenne. Comme l'a constaté Virginie Pironon. C’était la principale crainte chez les partisans de l’Europe à Chisinau. Que le travail de ces 15 dernières années soit balayé d’un revers de main par Moscou. La Moldavie a obtenu le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne dans la foulée du début de l’agression russe en Ukraine, en juin 2022.Et depuis, beaucoup a été fait en matière de réformes socio-économiques.
C’est ce qu’explique Ioulian Groza, ancien vice-ministre des affaires étrangères de Moldavie, responsable de l’intégration européenne. :"
Ces 15 dernières années d’intégration économique à l’Union européenne nous ont aidé à changer le visage de ce pays. Oui, nous ne sommes pas encore là où on voudrait. Parce qu’on a toujours des problèmes de corruption, ou d’efficacité de nos institutions.
Mais ce que nous avons appris ces trois dernières années, alors que nous avons la guerre à proximité et beaucoup d’autres crises, c’est que si on reste concentré sur les objectifs, et si on travaille ensemble, c’est bénéfique pour tout le monde."
Infrastructures routières, énergétiques, la Moldavie est devenue ces dernières années la vitrine des bénéfices de l’intégration européenne dans la région. Le plan de croissance européen pour la Moldavie est d’un milliard 900 millions d’euros.
Avec toutes les crises qui se sont succédées : Covid, guerre en Ukraine -qui a provoqué une crise énergétique dans le pays- "d’autres n’auraient pas mieux fait" confie un diplomate en poste à Chisinau.La Moldavie, qui était auparavant dépendante du gaz russe pour son électricité, a su par exemple s’en défaire.Même s’il lui reste encore un long chemin en matière de justice et de corruption.
"D'autres n'auraient pas mieux fait "
Une loi fraîchement adoptée, précisément le 13 juin 2025 a doté le pays d'un antidote dans la lutte contre la corruption électorale. Elle prévoit des sanctions plus lourdes contre l’achat de voix et autres financements occultes de campagne. Les antécédents judiciaires des candidats ainsi que leur déclaration de patrimoine sont passés au peigne fin.
"D'autres n'auraient pas mieux fait ", ce constat est partagé au sein des institutions européennes. Et c'est plus qu'une bonne nouvelle puisque, non seulement ce scrutin aura permis d'écarter temporairement du moins la menace russe qui risquait de plomber un flanc crucial du Vieux continent, mais aussi de renforcer la base arrière de l’Ukraine. Suivi de Fabien Cazeaux à Bruxelles. Pour toutes ces raisons, c'est une grande satisfaction qui domine dans les institutions européennes. L'eurodéputée social démocrate Emma Rafowicz : " C'est un vrai choc aussi pour Poutine. On voit qu'après avoir investi des milliards, des milliards finalement pour casser la démocratie en Europe, en Moldavie, eh bien la démocratie, elle peut tenir. Les citoyens y tiennent. Et les Moldaves, Ils ont montré que les milliards de Poutine ne suffisaient pas à les faire renoncer à la démocratie."
La victoire du camp européen en Moldavie résonne tout particulièrement auprès des représentants d'autres pays de l'Est de l'Europe, premiers exposés aux ingérences russes. Cet eurodéputé centriste roumain, Dan Barna, y voit un signe d'espoir. : "Le fait que les citoyens moldaves fassent preuve d'une si grande résilience face à cette guerre hybride, cela constitue un bon exemple pour la Roumanie, pour les pays d'Europe de l'Est et même pour toute l'Europe."
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé lundi que la Russie avait "échoué à déstabiliser la Moldavie, même après avoir dépensé d'énormes ressources", a lancé M. Zelensky dans un discours par vidéo lors d'un forum sécuritaire à Varsovie. "L'influence subversive de la Russie ne s'étendra pas davantage en Europe"
Il reste à tenir les lignes d'un front tenace, celui de la désinformation. Florent Parmentier, politologue, secrétaire général du CEVIPOF, associé au Centre Géopolitique de H.E.C. avec Guillaume Erner dans le cadre des Enjeux Internationaux ."
Ces formes d'ingérence, elles sont multiples. Ça s'est beaucoup fait au niveau du discours et de la désinformation. Il y a eu un certain nombre de schémas de désinformation pour nous annoncer. Par exemple, je mentionnais tout à l'heure la visite des trois chefs d'État et de gouvernement en août dernier lors de cette visite. Et bien les réseaux pro-russes ont relayé une nouvelle selon laquelle si on nous remporté les élections législatives, alors il faudrait s'attendre à voir environ 700 soldats moldaves débarquer dans la coalition. Des volontaires qui essaient de mettre en place la France et le Royaume-Uni. Donc on a eu ce genre d'informations angoissantes assez régulièrement. La désinformation a été un point important. Il y a eu des achats de votes et des transferts d'argent illégaux. Ça, c'était également l'une des l'une des raisons pour lesquelles plusieurs partis ont été interdits de scrutin. Ces transferts depuis la Russie d'argent illégaux et peut être le troisième élément qui a ressurgi dans la campagne, c'était l'annonce selon laquelle la Russie aurait entraîné en Serbie des manifestants moldaves pour animer ou en tout cas agiter la rue après les résultats des législatives. "
Ces pressions, ces déstabilisations constantes compliquent bien d'autres défis que va devoir relever le nouveau parlement moldave: défis économiques vertigineux. Florent Parmentier, politologue:
"La Moldavie a subi naturellement la guerre en Ukraine. Elle n'a pas été en mesure de refaire son économie derrière." Florent Parmentier, politologue.
"Lorsqu'on demandait aux moldaves , quel était le premier problème que devait résoudre un gouvernement, ce ne sont pas des questions géopolitiques qui arrivaient en premier. La première réponse était souvent la corruption et on créditait Maia Sandu d'être capable de répondre à cette crise de la corruption.
Les questions liées à la pauvreté, aux bas salaires étaient quelque chose également à prendre en compte. Ce qu'il faut voir, c'est que ces dix dernières années, en moyenne, la Moldavie voit 30 à 40000 Moldaves quitter le pays. Et donc, si on regarde sur sur le long terme, c'est en cela des populations qui n'est pas propre à la Moldavie. Et bien explique en partie les hésitations des investisseurs. Est ce qu'on peut investir dans un pays qui perd massivement de la population? Et le fait de ne pas pouvoir embaucher sur place fait partie des difficultés. Si l'on regarde d'ailleurs les chiffres de la croissance des dernières années, la Moldavie a subi naturellement la guerre en Ukraine. Elle n'a pas été en mesure de refaire son économie derrière. C'est à dire que le pourcentage de croissance du PIB est resté relativement faible, ce qui aurait pu, si on jugeait des bilans, porter préjudice au PAS, Parti Action et Vérité."
Sans oublier la menace russe qui plane en permanence sur la Moldavie. De nombreux analystes estiment que le Kremlin n'a pas dit son dernier mot et pourrait "recourir à des manifestations, à la corruption des députés PAS et à d'autres tactiques pour perturber la formation d'un gouvernement pro-européen stable".
[SRC] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/culture-de-l-info/la-moldavie-pro-europeenne-resiste-par-les-urnes-aux-destabilisations-russes-2017160
