Vieillir est inévitable, mais les façons de vieillir varient du tout au tout. Alors que certains accumulent les pathologies dès la soixantaine, d'autres traversent les décennies sans jamais connaître de déclin majeur. C’est dans ces parcours atypiques que la science cherche désormais des réponses, en s’appuyant sur l’analyse des biomarqueurs de longévité pour percer les secrets d’une santé durable.
Une longévité exceptionnelle qui défie toutes les statistiques
À 117 ans et 168 jours, Maria Branyas Morera ne se contentait pas de battre des records de longévité. Elle les pulvérisait en défiant toutes les prédictions médicales. Ni cancer, ni maladie cardiovasculaire, ni même la moindre trace de démence. Ce profil hors norme a piqué la curiosité des chercheurs de l’Institut de recherche Josep Carreras contre la leucémie. Pour la première fois, une supercentenaire en vie a accepté que l’on scrute les moindres recoins de son organisme, des gènes aux bactéries intestinales, avec un objectif clair. Celui de comprendre ce que son corps a fait différemment des autres pour résister aussi longtemps aux maladies du vieillissement.
Relayée par New Atlas, cette étude de Cell Reports Medicine ne se contente pas d’ajouter une ligne au palmarès de la doyenne catalane. Elle pose une question vertigineuse. Et si les secrets de la longévité se lisaient déjà dans nos cellules ? Grâce à une série d’analyses croisées, allant du génome à l’épigénome, en passant par le microbiome, les scientifiques ont mis au jour des particularités biologiques qui pourraient, à terme, guider de nouvelles stratégies de prévention.
Ce que les biomarqueurs de longévité révèlent sur les mécanismes du vieillissement
À mesure que le vieillissement s’accélère chez la majorité des individus, les marqueurs cellulaires trahissent une accumulation de dommages. Ce n’est pas le cas chez Maria. Malgré son âge extrême, son génome ne présentait aucun signe de mutation pathogène rare, ni de déséquilibre génétique associé à des maladies dégénératives. Encore plus surprenant, la signature de méthylation de son ADN – un indicateur de l’âge biologique – affichait une cohérence remarquable avec son âge chronologique. Autrement dit, son corps vieillissait, mais sans dérive accélérée.
Les scientifiques ont aussi repéré de faibles signes d’hématopoïèse clonale. Ce phénomène, souvent lié à un risque accru de cancer ou de troubles cardiovasculaires, restait pourtant stable chez les supercentenaires. Leur moelle osseuse semblait, en effet, garder une forme d’autorégulation intacte. Quant au transcriptome de ces individus, il évoquait davantage celui d’une personne active de 80 ou 90 ans. Ce profil génétique contrastait avec celui observé chez les centenaires moyens. Dès lors, les chercheurs suggèrent que l’âge fonctionnel ne suit pas forcément le temps qui passe.
Du côté du microbiote intestinal, les chercheurs ont également noté un profil anti-inflammatoire atypique, proche de celui observé chez des adultes jeunes. L’abondance de bactéries bénéfiques et la faible présence de pathobiontes (germes opportunistes) pourraient avoir joué un rôle clé dans la protection immunitaire et cognitive de Maria. C’est là un des enseignements majeurs de l’étude. La longévité en bonne santé ne dépend pas d’un facteur isolé, mais d’un équilibre global maintenu à travers les décennies.
Un cas unique qui redéfinit les promesses de la médecine préventive
Ce portrait biologique fascinant remet en question certaines hypothèses sur le vieillissement universel. Il souligne à quel point des variations individuelles peuvent produire des trajectoires exceptionnelles, indépendamment de l’environnement ou des habitudes de vie. Certes, Maria Branyas Morera n’est pas immortelle. Mais son corps a su éviter pendant plus d’un siècle les grandes pathologies qui frappent tôt ou tard la majorité des humains.
Les chercheurs de l’Institut Josep Carreras estiment que ce type d’analyse ultra-complète pourrait devenir un outil prédictif précieux pour la médecine préventive. Plutôt que de traquer les maladies une fois installées, il deviendrait possible d’identifier des profils à risque ou, à l’inverse, des signatures protectrices dès le milieu de vie. Cette vision n’en est qu’à ses débuts, mais elle ouvre une brèche prometteuse . Celle d’une médecine fondée non plus sur la réparation, mais sur l’anticipation, inspirée par les rares mais puissants exemples de longévité exceptionnelle.
[SRC] https://www.science-et-vie.com/corps-et-sante/vivre-plus-de-117-ans-sans-aucune-maladie-la-science-devoile-les-secrets-dune-longevite-hors-norme-212949.html