Menace de drones en Europe – En Allemagne, la guerre hybride de Poutine est quotidienne Survolé par des drones, l’aéroport de Munich a annulé jeudi soir une trentaine de vols. Ces attaques régulières inquiètent les experts. Christophe Bourdoiseau - correspondant à Berlin
Une trentaine de vols ont été annulés jeudi soir à l’aéroport de Munich, à cause de survols de drones. AFP/Michaela STACHE
En bref : L’aéroport de Munich reprend ses activités après plusieurs observations de drones suspects.
Une flotte fantôme russe est soupçonnée d’opérer des drones près des côtes européennes.
Les services allemands constatent des survols réguliers de sites militaires sensibles.
Une guerre? Les Allemands ont encore du mal à croire qu’elle a déjà commencé sous une forme «hybride». Mais les récentes intrusions de drones en Pologne, en Roumanie, en Lituanie et plus récemment au Danemark ont démontré que la menace russe contre l’Europe était réelle. «Nous ne sommes pas en guerre, mais nous ne sommes plus en paix non plus», a déclaré prudemment le chancelier, Friedrich Merz, le 29 septembre, pour leur faire comprendre l’urgence de la situation.
L’alerte aux drones à l’aéroport de Munich, jeudi soir, leur a rappelé une fois de plus que la Russie visait aussi l’Allemagne, même si rien ne prouve pour l’instant que ce soit une nouvelle opération d’intimidation du Kremlin.
La réponse des Européens reste pour l’instant limitée à des effets d’annonces (à part la Pologne qui a abattu des drones russes sur son territoire). À Copenhague, lors du sommet de la Communauté politique européenne, le président français a promis des mesures contre la «flotte fantôme» russe qui croise au large des côtes territoriales européennes. Une réunion doit avoir lieu dans les prochains jours avec les chefs d’état-major de la «coalition des volontaires» (les 25 pays ultrasolidaires de l’Ukraine).
Les bateaux incriminés et qui portent des pavillons de complaisance (Panama, Liberia, Gabon) sont soupçonnés d’être les «porte-avions» des drones espions russes. «Nous avons un incident dans la mer Baltique presque tous les jours», insiste le premier ministre polonais, Donald Tusk, après la découverte d’un «vaisseau fantôme» près du port de Szczecin.
Le chancelier allemand Friedrich Merz et le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de la réunion à Copenhague, le 2 octobre 2025. Bundesregierung via Getty Images/Marvin Ibo
Des mois de guerre hybride
Le 26 août dernier, les Allemands ont perquisitionné un cargo suspecté d’être une base de décollage de drones. Les membres de l’équipage sont russes et font actuellement l’objet d’une enquête.
La guerre hybride a commencé depuis des mois en Allemagne, rappellent les experts qui s’étonnent de l’inertie du gouvernement. Colis piégés, cyberattaques, drones survolant des casernes, câbles sectionnés… «Ces attaques sont une réalité quotidienne» répète le général Breuer, le chef d’état-major de la Bundeswehr, l’armée allemande.
Poutine se concentre sur l’Allemagne parce qu’elle est le principal fournisseur d’armes de l’Ukraine après les États-Unis. Une enquête menée cet été par la «WirtschaftsWoche» a révélé que les Russes espionnaient depuis plusieurs mois les transports d’armes secrets vers l’Ukraine à l’aide de drones. «La Russie est désormais très bien informée sur les groupes industriels qui produisent pour l’Ukraine», a conclu le journal.
Poutine recruterait en partie des agents amateurs ralliés à sa cause en Allemagne et capables de diriger des drones achetés sur Amazon ou d’autres plateformes de vente pour collecter des informations qui permettent d’identifier la destination des équipements mais aussi les fabricants d’armes.
Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a confirmé l’information: «Les drones survolent les ports et les installations ferroviaires. Cela ne surprend personne. Il n’y a rien à faire», a-t-il réagi.
Gouvernement interpellé
Pour Konstantin von Notz, le gouvernement allemand laisse la population «dans l’ignorance». Le président de l’organe de contrôle parlementaire des services du renseignement allemand exige du gouvernement fédéral qu’il réagisse de manière transparente contre ces agressions hybrides et agressives visant l’Allemagne.
Alexander Dobrindt, le ministre de l’Intérieur, a été obligé de réagir ces derniers jours en annonçant la création d’un «centre antidrones» et une nouvelle loi pour permettre d’abattre les objets volants suspects. «Nous avons besoin de cette défense antidrones opérationnelle maintenant, pas dans cinq ans», a surenchéri Jens Spahn, le président du groupe parlementaire de l’Union conservatrice (CDU).
Il faut réformer, en effet, car la situation juridique est si complexe que les Allemands sont incapables de réagir légalement à une attaque de drones. Quand ils volent au-dessus d’une caserne, c’est l’armée qui doit les abattre. Mais s’ils survolent un aéroport ou une gare, c’est à la police fédérale de le faire. Et chaque police régionale est compétente sur sa zone…
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