Sénégal : L'Intelligence Artificielle à l'École, Entre Ambition et Réalité
Le Ministère de l'Éducation nationale du Sénégal est confronté à des défis majeurs dans la mise en œuvre de sa politique éducative. L'annonce de l'introduction de l'intelligence artificielle (IA) à l'école, suivie de près par l'interdiction de l'usage du téléphone portable, suscite des interrogations quant à la cohérence et la préparation de ces mesures.
Un Paradoxe Révélé
La Cosydep (Coalition des Organisations en Synergie pour la Défense de l'Éducation Publique) a pointé du doigt le paradoxe entre ces deux décisions. Encourager l'adoption de l'IA alors que de nombreuses écoles, particulièrement dans les zones rurales, manquent d'infrastructures informatiques et d'accès à l'électricité, semble irréaliste. L'usage de WhatsApp, souvent cité comme un outil d'accès à l'information, se trouve paradoxalement limité par l'interdiction du téléphone.
Incertitudes et Manque de Préparation
Le communiqué du ministère manque de précisions quant aux niveaux d'enseignement concernés par l'introduction de l'IA. Faut-il commencer par le lycée, le CEM ou l'école primaire ? De plus, le calendrier annoncé pour la formation de 105 000 enseignants à partir de septembre semble difficile à tenir, étant donné le manque d'informations concrètes à ce jour. La distribution de 5 000 ordinateurs aux élèves de 1ère et Terminale S1 et S3 risque également de prendre du temps, comme l'ont montré des initiatives antérieures telles que "un étudiant, un ordinateur". Le manque de concertation et de préparation, selon certains, est une habitude regrettable du Ministre Moustapha Guirassy.
La Stratégie du Numérique pour l'Éducation 2025-2029 et l'IA
Malgré les critiques, le Ministère de l’Éducation nationale affirme que l’intégration de l’IA s’inscrit dans la Stratégie du Numérique pour l’Éducation 2025-2029. L'objectif est de moderniser l’apprentissage et de renforcer les filières scientifiques. La formation continue des enseignants, dispensée via la plateforme Force-N en partenariat avec l’Université Cheikh Hamidou Kane, est présentée comme un élément clé de cette transformation. Le ministre Moustapha Guirassy insiste sur le fait que l’IA "accompagne et enrichit la pédagogie" et "ne remplace pas l’enseignant".
Inclusion Numérique et Éthique de l'IA
Conscient des inégalités de connectivité, le ministère prévoit des solutions hybrides pour garantir une inclusion numérique sur l’ensemble du territoire sénégalais. Une Charte nationale d’éthique de l’IA en éducation est en préparation pour encadrer l’usage de cette technologie et préserver les valeurs républicaines de l’école sénégalaise. L’avenir de l’IA dans l’éducation au Sénégal dépendra de la capacité du ministère à répondre aux défis logistiques et éthiques posés par cette ambition.