Par des mouvements de protestation souvent réprimés dans le sang, la jeunesse africaine a écrit sa propre histoire, au cours des quinze dernières années, en occupant la rue à ses risques et périls. Cette jeunesse, engagée a porté le combat social pour un changement dans les politiques des gouvernements dans de nombreux pays africains.
Nous vous présentons ici une liste non-exhaustive d'une dizaine de mouvements de contestation portés par la jeunesse ces dernières années, à travers le continent.
Ces mouvements témoignent de leur vitalité et de leur engagement face aux enjeux politiques, sociaux et économiques.
La Génération Z ou GenZ– Madagascar (2025)
Depuis une semaine, les jeunes Malgaches, inspirés par les manifestations de la "génération Z" en Indonésie et au Népal, se sont mobilisés pour dénoncer, la corruption, la mauvaise gouvernance et les inégalités sociales.
Avec la colère suscitée par les coupures répétées d'eau et d'électricité dans le pays, ils ont lancé des campagnes de sensibilisation pour revendiquer des changements politiques et sociaux.
Après plusieurs jours de manifestations violentes, le président Andry Rajoelina a dissous le gouvernement le 29 septembre, dans le but de mettre fin aux troubles qui ont fait 22 morts, selon l'ONU.
La Génération Z 212 ou GenZ 212- Maroc (2025)
D'abord fortement mobilisé sur les réseaux sociaux, sur TikTok et Discord, pour dénoncer la mauvaise qualité des services publics (éducation, santé), le mouvement de contestation de la jeunesse marocaine a pris de l'ampleur en septembre 2025.
Les jeunes manifestent également contre le chômage élevé et les dépenses publiques perçues comme excessives pour des événements sportifs internationaux au moment où la majorité du peuple peine à joindre les deux bouts.
Après quelques jours de manifestations pacifiques, la situation a dégénéré en scènes de violences après que les images d'un véhicule de police renversant un jeune manifestant, ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. On fait état de deux morts, des centaines de blessés et d'arrestations.
Le Mouvement du 6 Juin ou M66 – Togo (2025)
Porté par la diaspora togolaise, le M66 a fortement mobilisé la jeunesse togolaise, une première fois le 6 juin 2025, puis les 26, 27 et 28 juin pour protester contre la nouvelle Constitution qui supprime l'élection du président de la République au suffrage universel.
Cette nouvelle constitue institue un président du Conseil des ministres, qui détient tous les pouvoirs d'Etat, faisant ainsi du président de la République un titre honorifique. Ce qui n'agrée pas la jeunesse togolaise qui a estimé que c'était une manœuvre du président Faure Gnassingbé pour rester au pouvoir.
La répression est sanglante : l'opposition a fait état de sept morts tandis que le parquet en annonce cinq. Plusieurs manifestants ont été arrêtés.
Le mouvement #RutoMustGo – Kenya (2024)
En réponse à la proposition de loi fiscale de 2024, jugée injuste par la jeunesse kényane, le mouvement #RutoMustGo a gagné de l'ampleur dans la rue le 18 juin 2024 et au fil des jours. Organisé principalement sur les réseaux sociaux, le mouvement des jeunes a dénoncé la corruption d'Etat, la mauvaise gestion économique et a exigé la démission du président William Ruto.
Elu en 2022, William Ruto avait fait beaucoup de promesses électorales qui avaient suscité l'espoir. Mais ses réformes, surtout la proposition de loi de finances pour 2024-2025 qui ajoutent une série de taxes (une TVA de 16 % sur le pain et une taxe annuelle de 2,5 % sur les véhicules particuliers), ont fini de susciter la colère des citoyens qui font difficilement face à l'effondrement du Shilling, la monnaie locale.
Le Parlement du pays est attaqué par les manifestants. Au total, 39 personnes avaient été tuées, plusieurs centaines de blessés et d'arrestations, selon la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya.
Le mouvement #EndSARS – Nigéria (2020)
End Special Anti-Robbery Squad (End SARS) d'où l'hashtag #EndSARS, est un mouvement social né au Nigeria sur le réseau social X (ex Twitter) pour dénoncer les violences policières, en particulier les abus de l'unité spéciale de police anti-vol (SARS).
Lancé sur les réseaux sociaux depuis 2017, c'est en 2020 que le mouvement a pris de l'ampleur avec des manifestations dans tout le pays. Une répression violente de la part des autorités a fait plusieurs morts dans les différents états du Nigéria.
Selon un bilan établi par Amnesty International, il y a eu plus de 50 personnes tuées. Pour sa part, Human Rights Watch a fait état d'au moins 15 victimes au péage de Lekki, à Lagos, lors de la fusillade du 20 octobre 2020.
Lucha et Filimbi – République Démocratique du Congo (2012 et 2015)
Ces mouvements de jeunes activistes dénoncent la mauvaise gouvernance, les violations des droits humains et les élections qu'ils qualifient de truquées.
La LUCHA (Lutte pour le changement) a été fondée en mai 2012 à Goma, dans le Nord-Kivu, une région ravagée par de longues guerres civiles. Le mouvement, créé par onze étudiants de l'Université de Goma, dans l'Est de la RDC, se réclame surtout de la résistance non-violente et lutte pour la dignité humaine et la justice sociale, des manifestations pacifiques et des sit-in.
Le 15 mars 2015 à Kinshasa, le mouvement FILIMBI est né officiellement, en présence des représentants de Y'en a marre du Sénégal, du Balai Citoyen du Burkina Faso, de la Lucha de Goma et d'autres personnalités. Il s'est fixé pour objectif d'être "le véhicule d'expression d'une jeunesse indignée, qui en a ras le bol, qui en a marre, mais qui est déterminée à transformer sa frustration en énergie positive et créative".
Les deux mouvements sont particulièrement actifs en RDC et ont été réprimés plusieurs fois avec maintes arrestations et des emprisonnements, sous le régime du président Joseph Kabila. Le 10 juin 2018, Luc Nkulula, l'une des grandes figures du mouvement Lucha, a été tué dans l'incendie suspect de sa maison à Goma. Ses compagnons de lutte contestent les résultats de l'enquête menée par les autorités.
Le Balai citoyen - Burkina Faso (2013)
Officiellement né le 25 août 2013, le "Balai Citoyen" est un mouvement de la société civile burkinabé qui s'est fixée pour mission de "constituer une force de propositions et de pression pour le changement social par l'engagement citoyen".
Avec pour vision de "faire du Burkina Faso, une société juste et intègre, dans un Etat de droit démocratique", il a contribué au soulèvement populaire qui a conduit à la démission forcée du président Blaise Compaoré, le 31 octobre 2014.
Selon une enquête officielle, au moins 24 personnes ont été tuées lors des manifestations des 30 et 31 octobre contre la tentative de Compaoré de prolonger son règne de 27 ans.
Le mouvement Y'en a marre – Sénégal (2011)
Créé en janvier 2011 par des rappeurs, des journalistes, des étudiants, des ouvriers, des commerçants et des enseignants, le mouvement Y en a marre s'était fixé pour objectif de lutter contre la mauvaise gouvernance, le népotisme, le clientélisme politique, la corruption et l'impunité décriés sous le magistère du président Abdoulaye Wade.
Face à une situation de crise liée aux coupures d'électricité, au coût élevé de la vie, aux scandales financiers, etc., le mouvement Y'en a marre s'est positionné pour prendre le relais des "Imams de Guédiawaye". Un autre mouvement qui dénonçait le coût de l'électricité. Le mouvement a beaucoup contribué à la chute du régime du président Abdoulaye Wade émaillé de nombreuses manifestations réprimées dans le sang.
Y'en a marre a fait des émules dans beaucoup de pays africains comme au Burkina Faso (Balai citoyen), en République démocratique du Congo (Lucha et Filimbi), etc.
Le mouvement "Girifna" – Soudan (2009)
"Girifna", qui signifie "nous en avons marre" en arabe soudanais, est un mouvement non-violent qui a été fondé en 2009 par des étudiants pour lutter contre la dictature, la corruption et les discriminations au Soudan.
Ce mouvement populaire de jeunesse a été un acteur clé dans les révoltes de 2018-2019 qui ont renversé le régime du président Omar el-Béchir.
La liste des mouvements citoyens de jeunesse qui se sont battus pour le mieux-être des populations à travers le continent n'est pas exhaustive. Nous avons tout juste choisi de citer cette dizaine qui s'est particulièrement distinguée par l'ampleur de ses actions dans la rue. Lesquelles actions ont contribué pour la plupart, d'une manière ou d'une autre, à des changements d'envergure.
[SRC] https://news.abidjan.net/articles/744947/10-mouvements-de-jeune-qui-ont-marque-lhistoire-politique-de-lafrique