Coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre… C’est le verdict prononcé par la Cour pénale internationale (CPI) contre Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, dit Ali Kushayb. La sentence n’a pas encore été prononcée et ne le sera pas avant plusieurs semaines, mais il risque la perpétuité.
Avec notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas
Après trois ans et demi de procès, l’ex-commandant janjawid n’est donc pas parvenu à convaincre les juges de son innocence dans ses crimes, commis en 2003 et 2004, contre les populations civiles du Darfour.
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Les poings serrés, comme pour retenir ses émotions, le regard figé derrière des lunettes rectangulaires, Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman a écouté le verdict debout, face aux trois juges, un verdict accablant, prononcé à l’unanimité.
Il a été vingt-sept fois coupable pour avoir ordonné aux Janjawids, de commettre les crimes, les meurtres et les viols, les passages à tabac et les déplacements forcés. Coupable aussi d’avoir fourni et distribué les armes et coupable d’avoir lui-même participé aux tueries, lui qui était identifié dans les villages, armé d’une hache et d’une kalachnikov.
Au cours du procès, il avait affirmé ne pas porter le surnom d’Ali Kushayb, si souvent cité par les témoins. Les juges ont rejeté ces accusations et confirmé son rôle et son influence.
Le commandant Ali était considéré, par le gouvernement et était respecté et écouté par ses hommes. Avant chaque bataille, il participait aux réunions du gouvernement.
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À chacune des attaques attribuées à l’accusé, la présidente de la chambre, la juge britannique Joanna Korner, a égrené, à l’audience, les noms de plusieurs des victimes d’Ali Kushayb. Elle a également décrit son rôle dans les attaques. « Comme le démontrent les faits relatifs aux crimes, l'accusé a joué un rôle actif dans leur commission. Il a encouragé et donné des instructions qui ont entraîné les meurtres, les viols et les destructions commis par les Janjawids à Kodoom et Bindisi, principalement par l'exhortation qui accompagnait l'ordre d'éradiquer et de balayer, ainsi que par la formule "personne ne doit rester vivant" ».
Le condamné est retourné en prison après ce verdict. La sentence sera annoncée dans les prochaines semaines, selon la Cour.
« Un message envers tous ceux qui ne sont pas encore poursuivis »
C’est le premier procès visant un responsable soudanais. Trois autres anciens responsables du régime de l’ex-président, Omar el-Béchir, sont aussi inculpés, mais toujours en fuite.
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Selon l'ONU, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et plusieurs millions ont été déplacées durant la guerre au Darfour, au début des années 2000.
Pour Salih Mahmoud Osman président de l’association des avocats du Darfour, c’est une très bonne nouvelle, même si elle arrive vingt ans après les faits.
« Cela faisait longtemps que nous attendions ce moment, ainsi que toutes les victimes de ces crimes horribles. Elles ont enfin obtenu justice. Cela montre que nous, les défenseurs des droits de l’homme et les victimes, nous n’abandonnerons jamais. Et cela montre qu’un jour, tous ceux qui ont été identifiés par la Cour comme auteurs de crimes, se retrouveront à La Haye.
C’est d’autant plus important que la situation, aujourd’hui, est toujours terrible au Darfour, que des horreurs continuent d’y être perpétrées quotidiennement, qu’il y a toujours un sentiment d’impunité et d’absence de justice. Cela montre qu’un jour la justice sera rendue et que le Darfour n’est pas oublié. Nous pensons aussi que la juridiction de la CPI sera étendue au reste du pays qui subit également des atrocités.
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C’est donc un message envers tous ceux qui ne sont pas encore poursuivis : qu'ils ne se sentent pas trop en sécurité. Tous ceux qui sont encouragés par l’absence de justice et d’État de droit, un jour, ils comparaîtront devant la CPI », a réagi Salih Mahmoud Osman, président de l’association des avocats du Darfour.
De son côté, Volker Türk, Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, a indiqué que cette condamnation par la CPI d'Ali Kushayb rappelle aux auteurs de crimes « qu'il ne peut y avoir d'impunité pour les crimes à grande échelle contre les civils ».
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[SRC] https://fr.news.yahoo.com/cpi-soudanais-ali-kushayb-chef-191658934.html