La compagnie régionale martiniquaise Air Antilles, menacée d’asphyxie réglementaire et financière, vient d’obtenir un répit : une licence temporaire prolongée jusqu’au 31 janvier 2026. Un ballon d’oxygène salué par les syndicats et les élus, qui plaident pour une solution durable afin de préserver 114 emplois et la continuité territoriale entre les îles.
Après des mois d’incertitudes, Air Antilles peut souffler. Par arrêté du 30 septembre 2025, les autorités ont décidé de prolonger pour quatre mois la licence d’exploitation de la compagnie aérienne régionale. Cette décision, qui courait initialement à court terme, assure désormais un cadre jusqu’au 31 janvier 2026.
Cette prolongation « constitue une étape cruciale dans le développement de la compagnie » selon Air Antilles, qui voit dans cette stabilisation réglementaire une reconnaissance du plan d’action engagé. Quelques jours avant la décision, les syndicats de pilotes et de personnels navigants avaient lancé un cri d’alarme adressé directement aux élus réunis à l’Élysée. « Nous sommes au bord de la rupture », alertaient-ils dans un courrier signé par Brieuc Hardy (SNPL France ALPA), Mélissa Germé (SNPNC-FO) et Maryse Lison (UNSA Aérien). Leur mobilisation vise à sauver les 114 emplois de la société et surtout la desserte aérienne, considérée comme vitale pour les habitants de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
L’un de leurs principaux objectifs était d’obtenir « d’urgence, une licence d’au moins six mois ». Ils se disent donc satisfaits de cette « première victoire », même si la solution demeure provisoire.
Un rôle économique et social incontestable
Depuis sa relance en juin 2024, après un passage sous redressement judiciaire, Air Antilles a retrouvé une place centrale dans le ciel caraïbe. Près de 100 000 passagers ont voyagé sur ses lignes depuis le début de l’année 2025, dont 30 000 en août seulement. Le taux de remplissage des vols atteignait alors 80% au départ de Saint-Martin. À Saint-Martin en particulier, « plus de la moitié du temps depuis janvier, il aurait été impossible de trouver une place aérienne sans Air Antilles », souligne la direction. Une hausse de trafic de 15% démontre l’importance de cette offre supplémentaire face à un marché souvent tendu et dépendant de quelques opérateurs.
Pour consolider son avenir, la compagnie s’appuie sur un plan ambitieux incluant l’ouverture du capital. Une banque d’affaires a été mandatée durant l’été afin de restructurer l’actionnariat et d’attirer de nouveaux investisseurs. Le projet, retardé par des lourdeurs administratives, pourrait désormais avancer grâce à ce cadre temporaire. « La collectivité se réjouit des échanges francs et constructifs entretenus avec les ministères. Cette décision confirme la nécessité d’agir pour désenclaver nos territoires », a déclaré Louis Mussington, président du conseil d’administration d’Air Antilles et président de la Collectivité de Saint-Martin. Il insiste sur l’importance d’un outil aérien pérenne pour répondre aux besoins vitaux des populations des îles, qu’il s’agisse « des malades, des étudiants ou des familles ».
Entre répit provisoire et incertitudes persistantes
Si la prolongation de la licence apporte un souffle bienvenu, elle ne résout pas encore l’équation de long terme. Dans un environnement concurrentiel fragile — dominé par Air Caraïbes et les grands transporteurs hexagonaux pour les liaisons transatlantiques —, une compagnie régionale comme Air Antilles joue un rôle d’aménagement du territoire plus que de rentabilité immédiate.
Les prochains mois seront décisifs : l’issue dépendra non seulement de la réussite des discussions avec les investisseurs privés – Air Antilles a impérativement besoin de lever plusieurs millions d’euros afin de poursuivre son activité- mais aussi d’un engagement des collectivités locales et de l’État à garantir la continuité territoriale, un enjeu politique majeur en outre-mer.
Air Antilles, initialement fondée pour desservir les petites Antilles françaises, a connu des difficultés économiques accrues en 2023-2024, liées à un marché très concurrentiel et aux coûts élevés de la maintenance aéronautique. En mai 2024, confrontée à une situation financière critique et à des contraintes administratives pesantes, Air Antilles a été placée sous procédure de redressement judiciaire. Cette étape visait à empêcher la cessation d’activité brutale et à ouvrir la voie à une restructuration. À ce moment, la Société d’Économie Mixte Locale (SEML) est intervenue en tant qu’actionnaire de référence, combinant des intérêts publics (Collectivités locales) et privés, pour soutenir la survie de l’entreprise.
Parmi les défis, la flotte composée essentiellement d’avions de type ATR 72 exige des coûts opérationnels élevés avec une gestion délicate des contrats de maintenance, souvent sous la forme de “Power-By-the-Hour”, un système assurant la maintenance contre paiement à l’heure, un type de contrat qui s’avère lourd à équilibrer financièrement sans une activité stable.
Le redressement a aussi coïncidé avec un environnement réglementaire complexe. La licence de transporteur aérien, indispensable à l’exploitation, devait régulièrement être renouvelée, ce qui a généré une précarité pesante sur les capacités d’investissement et de planification à moyen terme.
Depuis son retour d’activité en juin 2024, la nouvelle Air Antilles a déployé un plan de redressement ambitieux, incluant la recherche de partenaires financiers solides et la diversification de l’actionnariat, afin d’assurer non seulement la continuité de ses vols, mais aussi un développement harmonieux avec les collectivités territoriales concernées. Cette démarche a été saluée par les autorités lors de la récente prolongation de la licence jusqu’en janvier 2026, offrant une stabilité indispensable pour préparer l’avenir.
[SRC] https://www.air-journal.fr/2025-10-01-air-antilles-obtient-un-sursis-vital-jusquen-janvier-2026-5266110.html
