Reddition des comptes au Sénégal : La fuite des dignitaires de l'ancien régime complique la tâche des juges
Les enquêtes sur la reddition des comptes au Sénégal sont confrontées à des difficultés majeures. Plusieurs dignitaires de l'ancien régime de Macky Sall, soupçonnés de mauvaise gestion, ont fui le pays, compliquant le travail des magistrats du Pool judiciaire financier (PJF) et de la Haute Cour de justice.
Les défis de l'extradition et des procédures judiciaires
Les autorités judiciaires sénégalaises se retrouvent face à un obstacle de taille : l'absence des personnes visées par les enquêtes. Bien que l'ancien président Macky Sall bénéficie d'une immunité, ses enfants, Amadou Sall et Ibrahima Sall, ainsi que d'anciens collaborateurs sont concernés par des poursuites. Cependant, leur arrestation et leur rapatriement s'annoncent complexes.
Selon Me Papa Doudou Sow, greffier au tribunal de Dakar, si la coopération judiciaire existe, l'extradition n'est pas une obligation, mais plutôt une convention d'entraide entre États. Les demandes d'extradition seront donc soumises à l'appréciation du pays où résident les mis en cause. L'absence des prévenus n'empêche pas la poursuite des enquêtes, mais elle en complique le déroulement. Ils peuvent être jugés par défaut ou par contumace, ce qui désavantage les accusés, car leur avocat n'a pas le droit à la parole et le tribunal statue uniquement sur les éléments disponibles.
Personnalités visées et leur localisation actuelle
Plusieurs personnalités sont visées par ces enquêtes et se sont installées à l'étranger, notamment en France, au Canada, et au Maroc. Parmi elles figurent :
- Mamadou Guèye, ex-DG des Impôts et Domaines
- Mamour Diallo, ex-DG des Domaines et de l’Onas
- Doudou Ka, ex-DG de l’Anpej et de l’AIBD, puis ex-ministre de l’Économie
- Mame Mbaye Niang, ex-coordinateur national du Prodac
- Me Moussa Bocar Thiam, ex-ministre de la Communication
Les conventions d'entraide judiciaire entre le Sénégal et la France
Dr Mbaye Cissé, spécialiste en droit comparé, rappelle que le Sénégal et la France ont signé deux conventions le 7 septembre 2021 à Paris : une convention d’entraide judiciaire en matière pénale et une convention d’extradition. Ces accords, approuvés en 2023, facilitent la collecte de preuves et les demandes d'extradition, mais leur mise en œuvre reste complexe et nécessite une procédure diplomatique longue et rigoureuse.
« La procédure d’extradition est extrêmement rigoureuse. C’est un circuit très long. L’absence des mis en cause peut entraîner une lourdeur et un ralentissement des enquêtes. La fuite, en elle-même, peut être interprétée comme un aveu de culpabilité », conclut-il.
En conclusion, la fuite des dignitaires complique considérablement la reddition des comptes au Sénégal, rendant les enquêtes plus longues et plus complexes, malgré l'existence de conventions d'entraide judiciaire.